Saturday, October 10, 2015

L’intention de la loi fondamentale du 19 mai 1960
Par Chryso Tambu, publié le 10 octobre 2015

L’analyse proposée ci-dessous se limite aux pouvoirs exercés par le chef de l’Etat notamment repris aux articles 17, 19, 20 et 22 lesquels font partie de l’ensemble des prérogatives que la loi fondamentale du 19 mai 1960 fait valoir de sa fonction.

La relation entre le chef de l’Etat et le gouvernement (dirigé par un Premier ministre) est initialement  établie à l’article 17 lequel stipule “Le pouvoir exécutif tel qu’il est réglé par la présente loi appartient au chef de l’Etat sous le contreseing du ministre responsable”. Il est alors évident que le chef de l’Etat n’a pas un pouvoir souverain. Et les articles qui suivent confirment cette réalité.

 “La personne du chef de l’Etat est inviolable; le Premier ministre et les ministres sont responsables” est ainsi libéllé à l'article 19. Deux clauses indépendantes sont réunies par une ponctuation - un point-virgule (;) - non seulement pour confirmer la relation entre deux institutions centrales mais aussi pour éviter toute confusion au niveau des responsabilités. Ayant été épargné de toute responsabilté et considérant son rôle cérémoniel ou le caractère purement honorifique de sa fonction, le chef de l'Etat ne peut donc pas être traduit en justice. Seuls le Premier ministre et les ministres sont tenus responsables et, par conséquent, peuvent, eux, faire l'objet des poursuites judiciaires.

Elaborant sur ce point, La loi est explicitement stricte envers le chef de l'Etat, rejetant ainsi catégoriquement la notion d’un pouvoir souverain.  A l’article 20, premier  alinéa, il est en effet mentionné "Aucun acte du chef de l’Etat ne peut avoir d’effet s’il n’est contresigné par un ministre qui, par cela seul, s’en rend responsable". Et, dans le meme article, cette fois-ci au deuxieme alinéa, il est précisé que "En aucun cas, l’ordre verbal ou écrit du chef de l’Etat ne peut soustraire un Ministre à la responsabilité”. Au fait, lorsque Justin Marie Bomboko et Albert Delvaux contresignent la décision du "président Joseph Kasavubu" dans une tentative de la rendre conforme à la loi, ces deux ministres responsables violent l'article 43 en mettant, eux, en cause la responsabilité du Premier ministre et celle de leurs collègues. Or, nulle part dans la loi il est indiqué que deux ministres co-signataires d'un acte du chef de l'Etat peuvent soustraire le Parlement à sa responsabilté! Evidemment, le président Joseph Kasavubu l'avait violé en premier lieu en évoquant, lui, l'article 22.

Toujours à propos de l'article 22, il est repris ce qui suit: "Le chef de l’Etat nomme et révoque le Premier ministre et les ministres”. La disposition que renferme cet article est une prérogative qui se justifie par rapport à l'article 43. Sinon, pour contourner le Parlement, les termes dans lesquels il aurait été rédigé seraient identiques à ceux retrouvés dans les articles 29, 30, et 32 pour ainsi  lire "le chef de l'Etat a le droit de..." ,ou alors,  "le chef de l'Etat peut..." comme il en est le cas pour l'article 31. Or, une révocation ou une démission "forcée" ne peut intervenir qu'après dépôt d'une motion de défiance ou de censure. En effet, c'est ce que reflète justement l'article 22.

Une parenthèse. Meme pour la nomination du Premier Ministre et ses ministres, dans le contexte de la loi fondamentale, elle est proposée par un formateur désigné par le chef de l'Etat, et ce, par rapport à l'article 47.  

In fine, prétendre que l'article 22 est un pouvoir souverain, c'est aussi affirmer le droit de gouverner parallèlement! Cela est-il ou était-il vraiment l'intention de la loi fondamentale du 19 mai 1960?

chryso45@hotmail.com

Monday, September 28, 2015

Un 29 septembre 1960
Par Chryso Tambu, publié le 29 septembre 2015

Plusieurs dates restent gravées dans la mémoire des Congolais, mais peu se souviennent d'un 29 septembre 1960. Ce jour-là, le chef de l'Etat et président de la République, Joseph Kasavubu, instaurait un "régime provisoire" avec la promulgation d'un décret-loi constitutionnel qui lui confiait enfin tous les pouvoirs jusqu'au 1er août 1964.

Dans son livre intitulé "The Congo Cables", Madeleine Kalb rapporte qu'à son retour de la radio nationale quelques instants après avoir annonçé la destitution du Premier ministre Patrice Emery Lumumba, Joseph Kasavubu, un ancien séminariste que les résidents de Léopoldville avaient d'ailleurs surnommé "roi Kasam" avec l'arrivé du Roi Baudouin la veille de l'"indépendance" mais que ses tuteurs américains qualifieront un peu plus tard de "légume", fait devant ses associés la déclaration "prophétique" suivante: "Le président a enfin parlé et Lumumba va mourir. Il peut mourir lentement mais il va éventuellement mourir".

Le "roi Kasam" faisait-il allusion à une mort politique ou physique?  Toujours est-il que le Premier ministre Patrice Lumumba connaîtra les deux sorts. Certes, politiquement, le décret-loi constitutionnel du 29 septembre 1960 (cfr.  http://www.droitcongolais.info/files/1.03.1.-Decret-loi-constitutionnel-du-29-septembre-1960.pdf) avait en effet comme but d'empêcher sa résurrection politique.

Il est évident que pour éviter de se soummettre aux exigences de la loi fondamentale du 19 mai 1960, le "roi Kasam" établit un nouvel ordre politique avec ce nouveau document. Il ajourne indéfiniment le parlement et dissous le gouvernement. Il crée un conseil des commissaires généraux dont les membres sont nommés et révoqués par lui. Et il sera décidé que le pouvoir législatif soit exercé par ce conseil des commissaires généraux et le pouvoir exécutif dévolu au Premier ministre et aux ministres respectivement par le président du Conseil des commissaires généraux et les commissaires généraux.

Le décret-loi constitutionnel du 29 septembre 1960, un document rédigé en marge de la loi fondamentale du 19 mai 1960 et mettant en cause l'équilibre des pouvoirs, aura ainsi officiellement marqué la fin de la démocratie et le début de la dictature au Congo-Kinshasa.

chryso45@hotmail.com


Saturday, September 5, 2015

Le soir du 5 septembre 1960
Par Chryso Tambu, publié le 5 septembre 2015

La situation requérait l’urgence, semble-t-il. Le président Joseph Kasavubu quitte sa résidence officielle du Mont Stanley le soir du 5 septembre 1960 et se rend à la radio nationale où, interrompant un programme régulier d’anglais diffusé à 20 heures, lit, à partir d’un brouillon, un communiqué dans lequel il annonce à la face du monde la destitution du Premier ministre Patrice Emery Lumumba, évoquant l’article 22 de la loi fondamentale du 19 mai 1960 imposée par le Parlement belge pour servir de cadre juridique provisoire. “Sa” décision était-elle conforme à la loi ou s’agissait-il d’un coup d’Etat?

L’article 22 de la loi fondamentale stipule que “Le chef de l’Etat nomme et révoque le Premier ministre et les ministres”. A première vue, le président Joseph Kasavubu semble avoir exécuté “son” action en conformité avec la loi, sauf qu’il a ignoré le rôle déterminant du Parlement dans un régime parlementaire (à l’opposé d’un régime présidentiel) et énoncé dans l’article 43 lequel prévoit les conditions et la procédure pour une mise en cause de la responsabilité d’un menbre du gouvernement.

Lorsque l’on réconcilie les deux articles (22 et 43), on se rend compte en effet que le chef de l"Etat n’a qu’un pouvoir théorique attaché à une fonction purement honorifique; c’est à dire, une prérogative considérée comme étant un honneur et/ou un privilège et non un droit. Et tous ceux qui sont d’avis avec Joseph Kasavubu ou qui ont prétendu avoir identifié une contradiction  entre l’article 22 et l’article 43 ou même fait allusion à une “crise constitutionnelle” tombent dans un piège avec une interprétation érronée qui fait de l’article 22 un droit.

Il sied de mentionner que malgré le caractère honorifique de la fonction du chef de l’Etat, la loi fondamentale, laquelle est tirée de la Constitution belge, lui reconnait néanmoins explicitiment  des droits par rapport au pouvoir effectif qu’elle lui attribue. D'ailleurs, cette nuance qui permet justement de mieux saisir le sens de l’article 22 est manifeste dans les articles 29, 30, 31 et 32. Par conséquent, la question que l’on devrait se poser est la suivante: si effectivement le chef de l’Etat détient le pouvoir de nommer et de révoquer le Premier ministre et les ministres indépendamment du Parlement - comme le suggèrent ceux qui partagent son point de vue - , pourquoi alors l'article 22 n'est-il pas aussi explicite que les autres au point de nécessiter une "loi interprêtative"?

Une parenthèse. On ne devrait pas non plus négliger une disposition particulière de cette loi notamment l’article 47 lequel présente un aspect particulier avec un précédent dans la nomination d’un Premier ministre étant donné que dans son communiqué le président Joseph Kasavubu informait l'opinion qu'il nommait en remplacement Joseph Ileo.

Il faut signaler par ailleurs qu'à la Table ronde à Bruxelles, les représentants officiels, y compris Moise Tshombe et Joseph Kasavubu, avaient trouvé un compromis qui a abouti à l'élaboration de l’article 43 de la loi fondamentale afin d'assurer la stabilité du premier gouvernement. Et très curieusement,  prétendant même dans son communiqué d'avoir examiné cette loi dans son entierté, le président Joseph Kasavubu choisit plutôt d'ignorer le rôle déterminant du Parlement à ce sujet et déclenche ainsi une crise constitutionnelle imaginaire. And the damage was done! Même s'il fallait que la cour soit saisie pour trancher sur la légalité de cette révocation, c'était déjà trop tard et irréparable.  Et la suite des évènements l'a confirmé.

Joseph Kasavubu réussissait donc son tout premier coup d’Etat le 5 septembre 1960!

Monday, January 5, 2015

Vital Kamerhe n’a pas gagné son pari!
Par Chryso Tambu, publié le 5 janvier 2015


Si le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Monsieur Vital Kamerhe, était trop confiant dans sa stratégie de rendre publique la semaine dernière ses documents scolaires et académiques afin de mettre un terme à la polémique au sujet de ses origines, il a eu tort. La diaspora congolaise qui exige depuis belle lurette son arbre généalogique a, dans son ensemble, rejeté ces documents avant même de les contester, soulignant particulièrement qu’un diplôme d’Etat delivré à la fin des études secondaires ou tout autre document académique n’identifie pas la nationalité d’un individu. Hanté par cette question sur ses origines, le numéro un de l’UNC se retrouve donc au pied du mur.

Il n’a jamais été question, dès le départ, d’un diplôme d’Etat qui couvre l’enseignement secondaire. Lorsque Ben Beya lui pose initialement la question en 2011 au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington, cet analyste politique faisait allusion à son diplôme universitaire obtenu en 1987. Cependant, Monsieur Vital Kamerhe a recouru à la ruse en choisissant de rendre disponible aux internautes, trois ans plus tard, plutôt une copie de son diplôme secondaire de 1980 en prenant soin d’annexer une attestation de réussite qui tient lieu d’un diplôme universitaire ainsi qu’une lettre d’affectation signée, semble-t-il, par le recteur Bingoto à l’époque. Le diplôme universitaire dont il est question, donc l’original, reste curieusement introuvable ! Car si, en effet, ce fameux document pouvait l’épargner, il l’aurait mis à la disposition du public depuis très longtemps. Et on ne peut donc que s'imaginer que le publier serait suicidaire pour lui ! Il a ainsi jugé opportun de sortir un tenant lieu de diplôme qui d’ailleurs peut être délivré à tout moment - sauf dans son cas, il le fait un peu trop tard et cela risque de susciter encore d’autres questions -, lui donnant ainsi aussi l’occasion de faire corriger ou modifier son nom par rapport au document original.

Une parenthèse. Notons que l’attestation de réussite de Monsieur Vital Kamerhe est un tenant lieu de diplôme délivré apparemment le 7 octobre 1987 ne fait pas mention, contrairement à ses prétentions, de son nom « N’kingi ». Et il en est de même pour sa lettre d'affectation. Un des lobbies à son service qui a fait parvenir à l’auteur de ces lignes un document qui ne reprend pas non plus le nom « N’kingi » attribue cette omission à un manque d’espace ! Mais la question fondamentale qu’on devrait aussi se poser est la suivante : y a-t-il une raison pour laquelle l’Université de Kinshasa devrait remettre à un gradué ou licencié d’une faculté comme les sciences économiques et au moment où il termine ses études un tenant lieu de diplôme plutôt que l’original ?

Monsieur Vital Kamerhe récidive dans l’incohérence de son discours avec sa derniere sortie médiatique de l’année qui vient de s’achever. Il prétend maintenant que le nom de « Vital » ne figure pas dans ses documents scolaires et/ou académiques. Cependant, dans l’article « L’incohérence dans le discours de Vital Kamerhe  (suite et fin) », publié dans ce blog en date du 23 mai 2014, l’auteur de ces lignes reprenait verbatim la déclaration de Vital Kamerhe tirée de l’interview accordée à Roger Bongos et Freddy Mulongo lors de son avant dernier passage à Paris et au cours de laquelle l’intéressé relatait la cérémonie de remise des prix à la fin de ses études à l’Unikin en ces termes : « …J’ai terminé avec distinction. J’étais lauréat là à l’amphithéâtre Léon de Saint Moulin… » et de préciser : « ... Quand on appelait mon nom, a distingué Vital Kamerhe en économie rurale… ». Ensuite, se moquant même des « mauvaises langues », il enchérit : « …Mwindu Kadi Kuluba, aujourd’hui il est professeur a l’UCB (Université catholique de Bukavu), nous étions les deux à avoir distingué pas à l’Université de Kigali, Université de Kinshasa ». Cependant, tentant de tromper l’opinion, il note : « …Là, il y a encore les anales, mon nom c’était Kamerhe Lwa kanyiginyi Nkingi… » et, semant encore une confusion, d’ajouter : « …et sur mon diplôme de l’Université et sur mon attestation comme assistant, lettre d’acceptation par le recteur Bingoto… c’est Vital Kamerhe ».

Peut-on donc conclure que le leader de l’UNC, Monsieur Vital Kamerhe, ne mettra jamais à la disposition des Congolais ni l’original de son diplôme académique qui est justement à la base de toute la polémique engagée au sein de la disapora et encore moins son arbre généalogique qu’elle exige ? It surely looks like it ! A suivre.


chryso45@hotmail.com